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Entre les belles paroles et la réalité du terrain, le gouffre est béant

Entre les belles paroles et la réalité du terrain, le gouffre est béant
 

entre les belles paroles et la réalité du terrain, le gouffre est béant

Dresser le bilan d’un an de majorité cdH-Écolo-MR à Namur n’est pas facile. Car ils pourront toujours faire valoir qu’en un an, ils ont juste eu le temps de mettre en route leurs projets et que les résultats suivront. Seulement voilà, en réalité l’attelage cdH-Écolo-MR est déjà en place depuis 2006. Il a donc largement eu le temps de réaliser son programme, et il l’a fait, mais malheureusement les Namurois ne se portent pas mieux aujourd’hui qu’il y a treize ans.

Début 2018, avant d’écrire notre programme, nous avons sondé plus de mille Namurois. Leurs priorités étaient claires : l’emploi, la pauvreté croissante et le logement.

Combattre la pauvreté, c’est aussi en finir avec les taxes injustes

« La politique de lutte contre la pauvreté est la mère de toutes les politiques » et « Nous serons au rendez-vous de la solidarité ». Lors de la déclaration de politique communale, le bourgmestre n’a pas mâché ses mots. Effectivement, la Ville a (enfin) renfloué les caisses du CPAS et annoncé plusieurs mesures pour lutter contre le sans-abrisme, comme le doublement du nombre de logements de transit et « housing first ».

Mais si on veut vraiment éradiquer la pauvreté, il faut naturellement combattre l’appauvrissement des gens. Car la lutte contre la pauvreté ne concerne pas que les 4.635 bénéficiaires du CPAS et les quelques centaines de sans-abris à Namur. Elle concerne plus qu’un quart des ménages qui sont en risque de pauvreté ou d’exclusion sociale et plus d’un ménage sur cinq qui vit sous le seuil de pauvreté. Soit environ 29.000 Namurois.

Il y a des tas de mesures (saut d’index, montant des pensions, exclusion des sans-emplois…) sur lesquelles la Ville n’a aucune emprise car elles ont été décidées aux niveaux fédéral ou régional ; par les mêmes partis traditionnels qui gouvernent notre Ville ou sont aujourd’hui dans l’opposition, soit dit en passant.

Mais la Ville dispose bien d’un moyen de redistribution des richesses : avec ses taxes et redevances locales, elle peut décider où elle va chercher l’argent pour financer ses politiques. Et c’est là que le bât blesse. Elle va le chercher dans les poches des ménages et des indépendants et non dans les poches de ceux et celles qui ont les moyens : les actionnaires et les très riches. Les taxes et redevances sur les déchets, le raccordement aux égouts et le stationnement rapportent près de 15 millions à la Ville, soit plus de deux-tiers de sa fiscalité locale. Qu’on soit riche ou pauvre, on paie le même montant : c’est injuste. Les taxes sur les banques et assurances, sur les hôtels, les entreprises et les immeubles inoccupés comptent pour à peine 780 mille euros, soit 3,6 % des taxes locales… Quant aux nombreuses surfaces de bureaux à Namur, elles ne contribuent en rien aux finances communales puisqu’elles ne sont pas taxées du tout.

Pour résoudre la crise du logement, il faut une politique bien plus ambitieuse

Le lendemain des élections, le bourgmestre fait un constat : « L’électeur a été clair à ce sujet. Je pense à la question du logement, et singulièrement du logement pour tous, à une époque où cela devient compliqué et souvent trop coûteux de se loger et vivre à Namur. » La majorité s’engage donc à créer des logements financièrement plus accessibles.

Qu’a-t-on constaté dans la réalité ? Tout d’abord que la régie foncière continue de brader le patrimoine immobilier de la Ville. Il ne se passe pas un conseil communal sans que plusieurs maisons ou terrains appartenant à la Ville soient vendus.

La part du public dans le parc immobilier namurois ne cesse de baisser et ce n’est pas la création de 250 logements publics supplémentaires annoncée pour 2024 qui inversera la tendance (il faut d’ailleurs en déduire les dizaines de logements publics qui auront été vendus d’ici là). Le résultat est connu : tant les loyers que les prix de vente ne cessent de grimper. Entre 2010 et 2018, le loyer d’un studio a augmenté de 27 % et celui d’une maison de 79 %. La politique de la majorité cdH-Ecolo-MR manque d’ambition pour arrêter cette évolution qui pousse les jeunes ménages à quitter Namur vers la Basse-Sambre ou l’Entre-Sambre-et-Meuse. Il en résulte à Namur un vieillissement plus rapide que dans d’autres communes. A terme, ce n’est pas tenable car cela résultera en moins de rentrées des impôts et plus de dépenses sociales pour les personnes âgées.
Les 250 nouveaux logements publics prévus sont bien entendu aussi totalement insuffisants par rapport aux plus de 3000 ménages en attente sur les listes des sociétés de logement public.

Namur compte pourtant de nombreux immeubles inoccupés. La majorité a annoncé le recrutement d’un agent constatateur et une hausse de la taxe sur les immeubles inoccupés, ce qui est une bonne chose. Mais le taux n’a pas été porté au maximum légal afin de décourager plus fortement les propriétaires et surtout les spéculateurs qui laissent leurs biens à l’abandon. C’est une occasion manquée pour agir avec force contre ce fléau.

Enfin, les projets immobiliers fleurissent à Namur, mais la majorité rechigne à leur imposer d’importantes charges d’urbanisme en termes de logements à loyers modérés. Ce sont autant d’occasions manquées pour ramener les loyers vers le bas. Au PTB, nous prônons d’imposer à chaque projet immobilier la réalisation d’un quart de logements à bas loyer.

Une autre politique est pourtant possible. La ville de Vienne (certes bien plus grande que Namur) possède 220.000 logements : 65 % des logements y sont à prix accessibles et les exigences vis-à-vis des promoteurs privés bien plus importantes. Loger y est bien meilleur marché et la Ville a été déclarée « ville la plus agréable du monde ».

Une Ville ingrate envers son personnel

Sans son personnel, la Ville n’est rien. La Ville tourne grâce à ses plus de 1500 employés, ouvriers, techniciens, personnel d’entretien, puéricultrices, maîtres-nageurs... (les enseignants étant payés par la Fédération Wallonie-Bruxelles). La majorité l’a bien compris. Dans sa déclaration de politique communale elle écrit : « Les ressources humaines de la Ville sont les premiers adjuvants de nos projets. Nous proposons qu’il y ait aussi une décision concertée de revalorisation de son pouvoir d’achat en guise de signe de gratitude à l’égard du travail fourni à la collectivité. »

Peut-être le personnel devra-t-il attendre l’année électorale de 2024 pour voir la couleur de cette revalorisation. Car lors du dernier conseil communal, l’octroi de chèques-repas a été prolongé, mais sans en augmenter le montant qui est de 6,15 euros depuis 12 ans au moins. Pourtant, on sait tous que le coût de la vie augmente, que l'indexation des salaires ne suit pas le réel coût de la vie (entre autres parce qu’elle ne tient pas compte du prix des carburants) et qu'il y a eu un saut d'index en 2018.
Et d’autre part, la majorité a même empiété sur le pouvoir d’achat de ses travailleurs puisqu’elle a augmenté le tarif du parking pour son personnel. Là l’indexation n’a pas été oubliée.

Pour le moment, les travailleurs de la Ville attendent donc toujours le premier signe concret de la gratitude de la majorité.

Des espaces publics de moins en moins conviviaux et verts

« Les espaces verts représentent une carte de visite importante pour les touristes et visiteurs mais également un espace de respiration et de détente pour les citoyens namurois. Nous favoriserons des espaces verts conviviaux, bien entretenus, on en créera de nouveaux. La réflexion se poursuivra sur la création de nouvelles toilettes publiques. » C’est la majorité qui le dit dans sa déclaration de politique communale et elle a raison.

Mais quelle est la réalité du terrain ? Tout d’abord, la majorité a confirmé qu’elle veut sacrifier un des deux grands parcs du centre-ville, le parc Léopold, sur l’autel des multinationales (aux dépens des commerçants locaux) pour y créer un centre commercial. CdH, Ecolo et MR ne s’en émeuvent guère. Cela fait d’ailleurs déjà plus de dix ans qu’ils laissent délibérément ce parc à l’abandon sans aucun entretien ni embellissement. Ils se sont assis sur le résultat de la consultation populaire de 2015, lorsque 60 % des Namurois se sont prononcés pour le maintien du parc. Aujourd’hui, ils confirment et signent ce déni de démocratie. Un pseudo-processus de « co-construction » bien encadré avec quelques dizaines d’intervenants a été instauré pour faire oublier l’avis de 21.000 Namurois. Et tout récemment, la majorité a mis au pas la commission consultative d'aménagement du territoire et mobilité (CCATM) en y plaçant ses pions, étouffant la discussion contradictoire, afin de s’assurer qu’aucun vent contraire ne viendra de là. On l’appellera donc dorénavant la commission complémentaire d'aménagement du territoire et mobilité...

Au fur et à mesure que des chantiers se multiplient à Namur des arbres disparaissent. Pensons par exemple aux arbres du boulevard Mélot, à ceux du Grognon ou encore au grand hêtre près du casino (un des plus beaux de Namur).

Nous savons que des projets sont en cours, dont la création d’un parc derrière l’Hôtel de Ville et le remplacement des arbres au Grognon. Toujours est-il qu’à ce jour, les seuls à planter des arbres en ville sont les activistes du Collectif de préservation des arbres… Et par ailleurs, il est certain que sans la résistance acharnée des différents collectifs et du PTB contre le projet de centre commercial sur le parc Léopold, le projet du parc sur le site de l’Espena n’aurait jamais vu le jour.

Enfin, Namur ne compte sur son territoire de 175 kilomètres carrés toujours que quatre toilettes publiques. Ce n’est pas de réflexion que nous avons besoin à ce sujet, mais de bien plus de toilettes !

Une Ville immobile

« Parce que nous savons que la mobilité est un enjeu stratégique tant pour la qualité de l’air et le cadre de vie de nos quartiers que pour l’attractivité de notre commune, nous avons choisi de développer, grâce aux fonds européens, un Système de Transport Intelligent. » L’enjeu est donc bien compris par la majorité. Mais les solutions ne sont pas à la hauteur.

Le fameux « Système de Transport Intelligent » est un bel exemple : au lieu de prendre le mal à la racine, la majorité ne fait que gérer le flux croissant de voitures se dirigeant vers le centre-ville. Elle aggrave même le problème en créant des parkings aux portes de la ville (au square Léopold et au Grognon) ou même en plein centre-ville (place du palais de Justice).

La construction de P+R à Bouge (en cours) et à Suarlée (planifié) sont des éléments positifs, mais en même temps la majorité vient d’augmenter fortement le tarif des P+R, ce qui diminue d’autant leur attrait. Ce n’est pas ainsi qu’on incitera les gens à se garer en périphérie.

La mobilité douce reste marginale et marginalisée à Namur. Lors de la présentation du plan d’investissement voiries 2019-2021 par l’échevin Gennart au conseil communal, même le groupe Écolo – pourtant dans la majorité – s’est senti obligé de réagir, tant les montants consacrés aux piétons et aux cyclistes sont dérisoires. Les trottoirs par exemple ne comptent que pour 3 % du montant investi. Pourtant, nombreux sont les trottoirs namurois en mauvais état ou carrément absents. Les cyclistes ne sont pas mieux lotis et aucun parent responsable n’oserait laisser ses enfants partir seul en vélo à l’école. Le nombre de pistes cyclables sécurisées est extrêmement limité et les situations de danger nombreuses. Ca ne risque pas d’être beaucoup mieux en 2024 car on ne sent pas une volonté d’en faire réellement une priorité, malgré les belles paroles
Au niveau des transports publics rien ne bouge. Il n’est toujours pas possible dans notre capitale wallonne de rentrer chez soi en bus après 22 heures, il y a trop peu de bus en weekend et vers les villages périphériques et les bus sont bondés en heure de pointe au point de laisser des passagers sur le trottoir. La ville pourrait dégager des moyens et convenir avec le TEC d’une meilleure offre sur son territoire, mais elle ne le fait pas.

Le résultat des courses, c’est que Namur a été déclarée la troisième ville la plus embouteillée de Belgique en 2018 (après Bruxelles et Anvers). Et la rue Patenier la rue la plus polluée de Wallonie. Lorsque j’ai interpellé l’échevine de la mobilité à ce sujet, elle a préféré casser le thermomètre (les données ne seraient pas bonnes) et attribuer le résultat à une situation exceptionnelle en 2018 à cause des grands chantiers. Comme si ça allait mieux en 2019…

A présent, la majorité souhaite installer à Namur une « zone de basse émission » pour y interdire les véhicules les plus polluants, les plus anciens donc. On touche ainsi à nouveau les ménages les plus pauvres.

En absence d’alternatives, c’est injuste. Et ça ne résout en rien le problème.