Bienvenue chez NEW

Bienvenue chez NEW

3 septembre 2018

Une association sans but lucratif créée par la Ville de Namur pour se vendre aux grandes entreprises privées. Surréaliste ? Ca existe pourtant. Cerise sur le gâteau, cette asbl est financée par... nous... Plongée dans la nébuleuse NEW.

Capture d'écran new.be

À l'heure où les partis traditionnels, tous mouillés dans des scandales de détournement ou de gaspillage d'argent public, répètent en boucle vouloir rétablir l'éthique en politique, la transparence, etc., force est de constater que cela ressemble plus à une volonté de sauver la face et perdre le moins d'électeurs (et de mandats) possibles que d'une vraie remise en question de leurs pratiques. Bref, de laisser passer l'orage que les affaires du type Publifin ont provoqué. La preuve avec une singulière asbl fondée à Namur.

Namur-Europe-Wallonie, plus connue sous le sigle NEW, fête ses 30 ans en grande pompe. Plusieurs questions se posent : que fête-t-on exactement ? Que fait cette asbl ? Avec quel argent ?

Ces questions, et bien d'autres, peu de gens peuvent y répondre. Des gens comme le secrétaire (qui fait aussi office de directeur exécutif) Frédéric Laloux, ex-conseiller communal, ancien échevin des sports et éphémère secrétaire d'État à la pauvreté (PS), « proposé » (entendez « débauché ») par le bourgmestre Maxime Prévot (cdH), président de NEW, Anne Barzin (MR), présidente « par intérim » quand le bourgmestre était « empêché » mais également nommée directement en tant que première échevine…

Pourquoi NEW ?

Mais revenons à la raison d'être de cette asbl créée par la Ville il y a 30 ans, sous impulsion du bourgmestre socialiste de l'époque, Jean-Louis Close. Un coup d'oeil sur la dernière version des statuts nous apprend que « l'association a pour but de développer une politique de marketing territorial et institutionnel visant à promouvoir Namur en tant que Capitale de région créative, collaborative, innovante et durable, et dans ce cadre l’inscrire au besoin dans les réseaux internationaux appropriés ». Première question : qu'est-ce que le « marketing territorial » ? « On peut définir le marketing territorial comme l'effort collectif de valorisation et d'adaptation des territoires à des marchés concurrentiels pour influencer, en leur faveur, le comportement des publics visés par une offre dont la valeur perçue est durablement supérieure à celles des concurrents », selon Vincent Gollain, président du Club marketing territorial de l'Adetem (Association nationale des professionnels du marketing). Un spécialiste du marketing, donc.

Le site de NEW nous éclaire quelque peu (encore que...) quant à ses objectifs : « Renforcer l’attractivité économique de Namur en assurant l’accueil, l’information et l’accompagnement d’entreprises et organismes susceptibles de s’installer à Namur, en étroite synergie avec le Bureau économique de la province (BEP) »...1

Traduction de la novlangue libérale : le but de NEW est de vendre la Ville. Aux entreprises privées surtout.

Plus de 385 500 euros à NEW, 20 fois moins aux Restos du Cœur

Et pour se vendre, cette même Ville y met les moyens. Un des gros problèmes que pose NEW est que, si son financement provient très largement des citoyens, ces derniers n'ont aucun moyen d'avoir accès aux données concernant celui-ci… Une situation qui dérange jusqu'au sein même de NEW. Une source anonyme a ainsi envoyé à un membre du PTB Namur plusieurs documents intéressants, quoique secrets. Par exemple, les comptes internes de l'asbl révèlent que pour 2016, le subside qu'octroie la Ville s'élève à... 385 500 euros. (A titre de comparaison, notons que la Ville a versé 16 808,71 euros aux Restos du Cœur. Soit 20 fois moins…) Mais elle n'est pas la seule. La Province lui a versé 14 762,50 euros, le gouvernement wallon 2 500 euros, le Parlement wallon 3 023,96 euros, le Commissariat général au tourisme 20 000 euros en 2016, par exemple.

Le chiffre d'affaires pour 2016 s'élève lui à 101 775 euros. Il est composé des prestations pour le « Namur Eurofolk 2016 » (60 000 euros), de cotisations des entreprises (12 400 euros), des cotisations des villes et communes (5 600 euros), des associations (8 900 euros), de l'enseignement (1 375 euros), des adhérents (11 600 euros)...

Pour quelles dépenses ? Là aussi, les surprises s’enchaînent. Commençons par les rémunérations. Si M. Laloux ne communique pas son salaire, le poste « personnel de direction » indique pour 2015 une somme de 95 151,61 euros bruts… Ce qui fait, après un rapide calcul, un revenu de plus ou moins 4 000 euros par mois nets (3 500 euros nets si Frédéric Laloux touche un pécule de vacances ainsi qu’une prime de fin d’année). Outre le directeur et l’assistante de direction, NEW emploie une chef de missions et trois chargés de projets.

Les rémunérations brutes s'élèvent à 233 576,36 euros pour 2016. Notons qu'un ouvrier reçoit aussi un salaire. Pas très élevé, par contre : 9 962,87 euros bruts pour l'année 2016...

Outre cela, comment notre argent est-il dépensé, et pour quoi exactement ? Quelques exemples : 16 000 euros pour un colloque pour « célébrer les 30 ans du décret Namur Capitale », plus de 30 000 euros dans des « missions » (voyages), frais pour le véhicule de direction (en leasing) de plus de 15 000 euros, provision pour le projet « station métro Namur » à Montréal de 30 000 euros (il s’agissait d’offrir... huit panneaux décoratifs…), etc.

Namur, Opa-Cité

Les dépenses de NEW sont opaques. Le seul bilan de 2016 soulève déjà de nombreuses questions sur l’argent public dépensé chaque année pour du « marketing territorial », ainsi que sur les retombées concrètes pour l’ensemble des Namurois.

Ces dépenses sont d’autant plus problématiques que le financement de l’asbl NEW repose essentiellement sur de l’argent public. Ce ne sont pas moins de 423 786,46 euros qui y ont été versés pour 2016 (sans compter les subsides APE).

Autre fait surprenant quant à l'utilisation de notre argent, NEW a besoin de beaucoup d'ordinateurs pour fonctionner : sur les 18 dernières années, pas moins de 19 ordinateurs, soit un par an, ont été achetés pour un total de 31 265,22 euros...

Revenons sur un autre chiffre. 30 000 euros pour des voyages (en 2016 seulement donc). Rappelons ici que malgré les demandes répétées du PTB Namur, un voyage récent en Louisiane (avril 2018) a laissé beaucoup de questions en suspens... (Lire ici : https://namur.ptb.be/louisiane_2018) (Voir plus loin)

Outre tous ces frais surprenants, les dépenses liées à la promotion peuvent étonner : la confection de peluches « RUMAN » pour 20 000 euros par exemple, ou la pose de panneaux dans une station de métro « Namur » à Montréal (provision de 30 000 euros en 2016 et installation des panneaux en 2017). Des brochures promotionnelles sont également réalisées, par exemple pour vendre Namur au MIPIM (marché international des promoteurs immobiliers) (lire plus ici : https://ptb.be/articles/cannes-le-marche-ou-bourgmestres-et-geants-de-l-immobilier-se-draguent) et au MAPIC (marché international des    professionnels de l’implantation commerciale et de la distribution). C'est dans ce genre de rendez-vous que sont fixés les accords pour des projets comme Rive Gauche, le gigantesque centre commercial de Charleroi, ou l'extension du Parlement wallon de Namur. Loin des regards des citoyens qui sont pourtant les premiers concernés par ces projets pharaoniques...

Qui est dans NEW ?

On le voit, le financement de cette asbl ainsi que ses dépenses posent questions. Sa composition aussi. Les 5 administrateurs désignés par la Ville de Namur parmi ses membres effectifs « dont obligatoirement le Bourgmestre et le 1er Échevin » selon les statuts : 1 administrateur désigné par la Province de Namur selon ses modalités propres ; 1 administrateur désigné par le directeur général du BEP selon ses modalités propres ; 1 administrateur représentant du Ministre-Président du Gouvernement wallon, sans voix délibérative. Au rayon des élus politiques, on retrouve des élus du cdH, du MR, d’Ecolo et du PS. (Voir liste complète plus bas) De plus, « l'AG élit 10 administrateurs parmi les candidatures déposées : 4 membres effectifs représentant les entreprises ; 2 membres effectifs représentant les communes autres que Namur ; 2 membres effectifs représentant les associations ; 2 membres effectifs représentant l'enseignement. » Si la dénomination pourrait laisser penser que le secteur associatif est associé aux décisions de NEW, ce sont des associations particulièrement intéressées par l'objectif avoué (?) de NEW qui s'y trouvent : Anne-Catherine Jeulin est chargée de projets couveuse d’entreprises à Job’In et Jean-Luc Maquet est le patron d'une agence de voyages, ex-président de l’Association des Commerçants de Namur, membre du CA de l’UCM...

Au niveau du monde des entreprises, siègent ou ont siégé dans l'asbl des membres d’ING, de l’UCM, etc. (Voir liste plus bas). Peu, très peu de représentants des PME...

NEW, pour quoi faire exactement ?

Revenons aux activités de NEW. Concrètement, l’asbl organise de multiples « missions » à l’étranger (Canada, USA, Indonésie, Vietnam…), l’accueil de missions étrangères ou de membres de réseaux où Namur s’inscrit, à l’exemple de la venue d’Alain Juppé le 5 septembre (membre de l’Association Internationale des Maires Francophones ou AIMF) (voir plus bas). Très clairement, l’objectif central est de renforcer « l’attractivité territoriale » de Namur, mais avec quelles retombées concrètes, et s’il y en a, pour qui et au détriment de qui ?

Au-delà de ces « missions », il y a aussi la participation à des colloques et des assemblées générales des réseaux où la Ville de Namur s’inscrit, comme Vertech City ou l’AIMF, ainsi que des accueils diplomatiques.

Dans le cadre de ses objectifs, NEW est en partie dirigée par la Ville de Namur (art. 29 ter.), et le président n’est autre que le bourgmestre, ou à défaut un administrateur nommé par la Ville (art. 29 bis). Namur Europe Wallonie peut employer de multiples appellations. Il s’agit de « Commission Namur Capitale » et « Commissariat aux Relations Internationales de la Ville de Namur ». C’est dans le cadre de cette dernière « appellation / fonction » que le bourgmestre de Namur a le pouvoir d’imposer une mission à l’asbl sans que son Conseil d’Administration n’ait à en discuter de l’opportunité. En ce sens, lorsqu’elle fonctionne en tant que Commissariat aux Relations Internationales de la Ville de Namur, Namur Europe Wallonie est l’outil de la Ville de Namur (et du bourgmestre).

C’est via ces éléments des statuts que la Ville peut imposer à NEW d’organiser les multiples « missions » à l’étranger pour veiller « au développement et au bon fonctionnement des relations internationales et de coopération décentralisée de la Ville de Namur ». En regardant les rapports d’activités annuels, ces voyages ne manquent pas. Des élus de tous les partis représentés au sein de NEW y participent (cdH, MR, PS, Ecolo), et là aussi la question de l’opportunité de leur présence ne semble pas discutée. Nul ne sait encore à présent ce que Philippe Noël (Ecolo), en sa qualité de président du CPAS de Namur, Bernard Guillitte (MR), échevin en charge de l’Environnement et des Espaces verts ou Gwenaëlle Grovonius (PS), conseillère communale de l’opposition, sont allés faire en Louisiane en avril 2018, par exemple…

« Cet argent doit servir aux gens, pas aux géants du béton »

Pour le PTB, l'existence et le fonctionnement de NEW posent de nombreuses questions. Germain Mugemangango, porte-parole francophone du parti de gauche : « Alors que nos élus nous demandent à nous, travailleurs, de nous serrer la ceinture, il est anormal de se servir ainsi d'une asbl totalement opaque. A l'époque de Publifin et d'autres scandales du même genre, tous les représentants des cinq partis traditionnels répétaient qu'il fallait une transparence totale dans l'utilisation des fonds publics. Et ils avaient raison. Mais on voit avec ce cas concret que ce ne sont que des paroles. Cet argent peut, et doit, être utilisé autrement. »

Plus globalement, c’est l’objectif même de NEW qui étonne Germain Mugemangango : « Pourquoi la Ville a-t-elle créé une asbl pour se vendre aux entreprises privées ? Cette vision libérale des partis traditionnels, nous la voyons partout dans le pays : ils tentent de vendre nos villes comme des produits, pour les bénéfices de quelques actionnaires de géants du béton. C’est du city-marketing, c’est créer une concurrence entre villes. Au détriment des besoins des habitants… »

« NEW pose plusieurs problèmes, réagit Thierry Warmoes, président du PTB Namur. Nous avons besoin d'investissements publics dans de nombreux domaines... La priorité des élus de la Ville n'est apparemment pas la même que celle des citoyens que nous avons sondés pour faire notre programme. Pour ces derniers, les questions a régler sont les problèmes d'emplois, de logement, de pauvreté... Pour la Ville, c'est attirer des investisseurs pour des projets qui ne profitent qu'à une minorité. »

Autre problème soulevé : l'opacité. « Les Namurois et les Wallons en général ne savent même pas que cette asbl existe et qu'en plus, elle se finance sur notre dos. Comment une telle structure peut-elle être à ce point secrète sur ses finances et l'utilisation de celles-ci ? »

Le président local explique sa vision : « Quand on voit où cet argent pourrait être utilisé au lieu de vendre notre ville, nous n'hésitons pas une seconde : plus aucun euro public ne doit revenir à NEW. Cet argent doit servir aux gens, pas aux multinationales du béton. Avec les 383 000 euros qu'a versé la Ville à NEW en 2016, on peut engager une vingtaine d'agents communaux pour la propreté, la sécurité... Ou alors créer un abri de jour pour les SDF. Ou encore embellir les espaces verts ou investir dans du logement public social. Bref, ce ne sont pas les alternatives qui manquent ! »

Auteurs: Jonathan Lefèvre et Jean-François Lenoir

 


1. Le Groupe BEP est chargé du développement économique, social et environnemental de la Province de Namur, en coordination avec les autorités wallonnes. Les actionnaires sont la Province de Namur et les 38 Communes qui la composent. La structure faîtière BEP anime, gère et coordonne : BEP Environnement (à majorité communale) en charge de la collecte et du traitement des déchets. BEP Crématorium (à majorité communale) qui coordonne la gestion du Crématorium du Cœur de la Wallonie, dans la cadre d’un partenariat public-privé. Plusieurs Communes namuroises et luxembourgeoises et les deux Provinces en sont les actionnaires. BEP Expansion économique, (à majorité communale) active dans le développement et la gestion des infrastructures d’accueil pour entreprises (parcs et incubateurs). IDEFIN, (à majorité communale), Intercommunale de financement, qui a pour but de gérer les participations financières des communes dans les réseaux de distribution d’énergie.


Qui siège ?

Outre Maxime Prévot, Frédéric Laloux et Anne Barzin, sont présents au niveau des élus politiques : Olivier Anselme (PS – conseiller communal namurois, membre du comité de direction), Arnaud Gavroy (Ecolo – échevin namurois, membre du comité de direction), Jean-Marc Van Espen (MR – député et président de la Province de Namur, membre du comité de direction), José Paulet (MR – bourgmestre de Gesves, membre du comité de direction), Benoit Dispa (cdH – bourgmestre de Gembloux), Luc Gennart (MR – échevin namurois), Dimitri Lhoste (MR – conseiller communal namurois), Denis Liselele (PS – échevin à Sambreville), Jean-Marie Mottoul (cdH de Namur), Thibaut Naniot (président du cdH de Namur), Pierre Tasiaux (cdH – bourgmestre d’Assesse).

Parmi les représentants des entreprises, nous retrouvons Marie-Laurence Levaque (ING, Relationship manager pour les secteurs publics et non-marchand, trésorière de NEW), Delphine Frennet (UCM, directrice opérationnelle, membre du comité de direction), Jean-Christophe Weicker (Voyages Copine, directeur, membre du comité de direction), Patrick Joly (ERA, expert immobilier), Marc Josse (Vinçotte Holding), Daniel Pigneur (SPRL, expert judiciaire, membre du CA de l’UCM)…


Dépenses 2016 (sauf PC)

Colloque Namur Capitale – 30 ans du décret : 16.502,71

Mission Québec : 5.663,88

Namur Québec – Fêtes namuroises : 25.570,25

Mission Lafayette : 6.289,20

RI – RDC – UCVW (aide au développement Congo) : 5.112,08

Achat d’articles de promotion – RUMAN : 28.544,14

Leasing véhicule de direction : 12.951,05

Carburant véhicule : 1.617,83

Parking : 2.154,87

Cadeaux : 496,50

Personnel de direction (brut 2015) : 95.151,61

Provision projet « station métro Namur » : 30.000

Provision Tricentenaire Nouvelle Orléans : 30.000

Achat de PC (1996 – 2014) : 31.265,22 (soit 19 PC)


Financement public 2016

Subsides Ville de Namur : 383.500

Subsides Province de Namur : 14.762,50

Subsides Gouvernement wallon : 2.500

Subsides Parlement wallon : 3.023,96

Subsides Commissariat Général au Tourisme : 20.000

Subsides APE : 29.809

Total sans APE : 423.786,46

Total avec APE : 453.595,46

(source: https://ptb.be/articles/bienvenue-chez-new)


 

Pour ses 30 ans, NEW a eu l'idée d'inviter un politicien... condamné par la justice. Le PTB ne conteste évidemment pas le droit d’Alain Juppé de s'exprimer, mais pas avec de l'argent public. Il donne rendez-vous le 5 septembre lors de la venue de l'ex-Premier ministre français. Petit portrait express de celui-ci.

Alain Juppé, leçons de fraude

À l’occasion de ses trente ans d’existence, l’asbl « Namur Europe Wallonie » (NEW), présidée par le bourgmestre Maxime Prévot, invite Alain Juppé à Namur. Les deux hommes se connaissent, se voyant par exemple au Marché International des Professionnels de l’Immobilier (Mipim) ou dans le cadre des activités de l’Association Internationale des Maires Francophones (AIMF).

Maire actuel de Bordeaux et ancien Premier ministre français, Alain Juppé, comme on peut le lire sur le site de la Ville de Namur, « rehaussera de sa présence cet anniversaire en exposant la dynamique audacieuse et volontariste de redéploiement urbain de Bordeaux. » Or s’il y a une matière où l’homme excelle, au-delà des politiques de casse sociale et des privatisations, c’est… la fraude.

« Tu auras un bel appart’, mon fils »

En janvier 1993, Philippe Lafouge, le délégué général au logement à Paris, rédige pour Alain Juppé une note sur le loyer fixé pour un appartement municipal rue Jacob, dans le quartier luxueux de Saint-Germain-des-Prés. Il propose 6 913,28 francs pour 88 m2, ce que Juppé corrige en arrondissant à 6 000 francs (915 euros). Le futur locataire n’est autre que son fils, Laurent. Et pour que ce dernier se sente au mieux dans cet appartement, la Ville de Paris y réalise 381 390 francs (58 143 euros) de travaux. À l’époque, Alain Juppé, occupant des fonctions d’adjoint aux finances de la Mairie de Paris, loue un hôtel particulier de 180 mètres carrés. C’est également une propriété de la Ville de Paris, située à quelques pas de l’appartement de son fils. Là aussi, le loyer, environ 2.000 euros, est bien en dessous des prix du marché… L’affaire prendra fin avec le déménagement des Juppé père et fils.

Les emplois fictifs de la Mairie de Paris

En 1999, Alain Juppé est placé en examen pour « abus de confiance, recel d'abus de biens sociaux, et prise illégale d'intérêt », pour des faits commis de 1983 à 1995, lorsqu’il était secrétaire général du RPR et maire adjoint de Paris aux finances. Le 30 janvier 2004, il est reconnu coupable et condamné à 18 mois de prison avec sursis et dix ans d’inéligibilité. La cour du tribunal correctionnel de Nanterre juge qu’Alain Juppé a « délibérément recouru à des arrangements illégaux » pour favoriser son parti. Six personnes travaillaient en effet pour le RPR alors qu’elles étaient payées par la Ville de Paris. En appel, la condamnation d’Alain Juppé est réduite à 14 mois de prison avec sursis… mais surtout elle ramène son inéligibilité à un an.

Un condamné qui se la coule douce au Canada

Après cette condamnation, Juppé démissionne de son mandat de maire de Bordeaux, il fait ses valises et s’envole avec sa famille pour le Canada, où il compte parmi ses amis le Maire de Québec… Là, il donnera des cours   à l'École nationale d'administration publique (un comble…) et prendra du bon temps. Ainsi déclare-t-il à son retour en France : « Un jour, je me suis arrêté dans un fast-food. Il n'y avait personne. Et c'est là, en mangeant mon hamburger tout seul, que je me suis dit : Mais qu'est-ce que tu fous là !? » Il ne se demandait certainement pas pourquoi il était occupé à se la couler douce dans un fastfood canadien au lieu de dîner au réfectoire de la prison de Fleury-Mérogis… Il voulait surtout retrouver « sa » place et le pouvoir. De retour à Bordeaux après son année d’inéligibilité sabbatique, Alain Juppé sera réélu Maire en 2006.

Un invité qui n’est pas le bienvenu

Alain Juppé est le modèle de ces politiciens cyniques qui pensent à leurs intérêts tout en démolissant les droits sociaux de la population, qui n’hésitent pas à se servir au lieu de servir… Nous pouvons légitimement nous demander s’il n’y avait personne d’autre qu’un politicien corrompu (et condamné) pour venir donner une conférence à Namur… ? Lorsqu’on voit les similitudes entre sa politique de droite à Bordeaux et ce qui se fait ici, ou encore quand on l’entend qualifier sa ville de « belle endormie » comme le fait Maxime Prévot à propos de Namur, on devine les points communs entre les deux hommes, sans pour autant savoir lequel s’inspire de l’autre.

Le PTB organise un rassemblement à l'occasion de la venue d'Alain Juppé. Voir ici.