Les préjugés sur la pauvreté sont nombreux et répandus. Or, ce sont des obstacles à vaincre pour mener collectivement une politique efficace en la matière. L’actualité nous a offert un "bel" échantillon de ces préjugés, sur fond de simplismes.
Nous sommes d’ailleurs le seul parti à se positionner aussi clairement sur le sujet de la pauvreté, et au-delà de "ceux et celles qui dérangent". Il faut croire que ce n’est pas « porteur » électoralement, alors que la mode est à la criminalisation, à la stigmatisation, à la répression… Des mesures démagogiques, chères à la majorité cdH-MR-Ecolo, totalement inefficaces.
Le bon marginal s’assume
Tout a démarré d’une photo publiée sur les réseaux sociaux, montrant un homme étendu à l’entrée d’un magasin climatisé, en pleine canicule, lors d’une des journées les plus chaudes du mois d’août. Rapidement, une candidate communale du MR namurois, Laurence Genot, commente :
"Je trouve cela très triste mais ce sont des marginaux qui n’ont pas forcément envie de se réinsérer dans une vie “normale” ! Je pense qu’il y a assez d’aide en Belgique (…)"
Et d’ajouter plus loin :
"J’assume ce que j’écris. Début d’après-midi, il y avait un sdf au point d’arrêt de la Namourette (…) il était à l’ombre sous un arbre (…) Ce monsieur assumait sa marginalité et ne dérangeait personne."
Et de fonder cette opinion, cette vision politique de la pauvreté et du sans-abrisme sur une solide expérience de terrain, car dans un droit de réponse adressé à la presse, elle déclare :
"Quand j’ai tenu un chalet de Noël (…) sur la place d’Armes, je discutais avec eux quand ils étaient sobres et ils m’aidaient à fermer mon chalet. Dans la discussion ils disaient que c’était leur choix de vivre dans la marginalité".
Sans nier qu’il y a des problèmes à Namur, les propos de la candidate du MR sont pour le moins révoltants, pour autant que nous ne lui laissions pas le bénéfice de la naïveté ou de la méconnaissance du sujet à propos duquel elle s’exprime. Par ailleurs, ils sont inutiles, car le fond du problème est complètement passé sous silence, ce qui fait qu’aucune solution ou piste n’est avancée hormis "un 'bien vivre' ensemble de tous habitants". Autrement dit : rien.
Au MR, la pauvreté se mérite
Le PTB a demandé au MR de se positionner à leur propos. Ce qu’il n’a pas fait, cautionnant par le silence les paroles de sa candidate. Celle-ci a par ailleurs été soutenue activement par d’autres candidats du MR namurois. Cela n’est pas surprenant, venant d’un parti qui travaille à rendre une grande partie de la population plus pauvres, tout en faisant de la pauvreté une responsabilité individuelle, alors que c’est justement la conséquence de l’organisation économique de la société que le MR maintient et défend, comme les partis qui ne remettent pas le cadre du capitalisme en question.
Laurence Genot a beau répéter que "c’est malheureux" et "très triste", reste que son parti (avec le cdH et Ecolo) a criminalisé la mendicité à Namur, et que nous pouvons tous aujourd’hui constater à quel point cette mesure violente est totalement inefficace. Reste aussi que son parti applique à la Région et au Fédéral une politique d’austérité sans pitié qui rend les pauvres plus pauvres et les riches plus riches, que les attaques contre les allocataires sociaux et les malades de longue durée aggravent des situations déjà précaires…
La pauvreté est plus complexe que quelques préjugés
Il y a une importante distinction à faire entre "sans-abri", "mendiant", "malade mental" , "toxicomane"…
À quoi nous pourrions ajouter "victime d’un réseau". La situation d’une personne peut intégrer plusieurs de ces aspects et en exclure d’autres. Un toxicomane n’est pas forcément sans-abri, comme un sans-abri ne mendie pas forcément, par exemple. Si la pauvreté sera généralement un point commun aux personnes vivant de telles situations, nous ne pouvons donc parler de "marginaux" au sens large comme Laurence Genot et le MR, en distinguant les "bons" des "mauvais" avec pour seul critère de déranger ou non. Mais qui dérange qui et pourquoi ?
Évidemment que ce n’est plaisant pour personne d’assister à des rixes et des altercations place d’Armes, par exemple. Bien sûr que certaines personnes peuvent se sentir en insécurité quand un homme, torse et pieds nus, hurle au milieu de la rue en tourbillonnant. Reste qu’en politique, il faut prendre du recul, analyser, comprendre et apporter les solutions adéquates, dont l’efficacité doit faire l’objet d’évaluations fréquentes. Pour certains, les « solutions » sont simples : réglementer encore plus (criminaliser) et interdire des espaces (déplacer ailleurs). Cela marche-t-il ? Non. Nous pouvons le constater chaque jour.
Donc qui dérange qui et pourquoi ? Une personne ayant des problèmes à déterminer, dérange les personnes à proximité par un comportement déterminé. Comment résoudre cela alors ? En prenant les problèmes à la racine. Si c’est l’absence de logement le problème, il faut dès lors fournir un logement : c’est l’objectif du programme Housing First ou Loger d’abord. Si c’est une addiction, il faut établir un lien avec la personne qui consomme et pouvoir l’accompagner vers le sevrage, en prenant en compte les fonctions de la consommation : consomme-t-elle pour tenir le coup dans la rue ou… ?
Les préjugés les plus répandus
"C’est un choix de vie." Faux. La majorité des laissés-sans-abri sont demandeurs d’un logement. Pourquoi donc ? Pour s’abriter. Se reposer vraiment et pas seulement d’une oreille. Se poser. Rouvrir ses droits sociaux. Reconstruire lentement un projet de vie hors de la rue. Alors pourquoi y en a-t-il qui disent que c’est un choix de vie ? Car plus les années passent et plus la personne « devient la rue », plus considérer cela comme un « choix » totalement volontaire devient une des dernières manières, sinon la dernière, d’avoir le sentiment de maîtriser sa vie. C’est ce qu’a démontré, entre autres choses, Patrick Declerck, dans « Les naufragés – Avec les clochards de Paris ». Si c’est un choix, alors demain, on peut faire un choix différent, facilement. Pour la toute grande majorité des laissés-sans-abri, la rue n’est certainement pas un choix, et plus le temps passera, plus abandonner la rue pour retrouver un lieu de vie stable sera difficile.
« Ils refusent l’aide donc… » Oui, c’est pourquoi des études ont été menées notamment sur les freins à l’accueil d’urgence (essentiellement de nuit). À nouveau, quelle aide est refusée et pourquoi ? L’aide alimentaire est-elle refusée ? L’aide médicale est-elle refusée ? L’aide d’une pièce donnée par un passant est-elle refusée ? Non. Certaines personnes refusent d’aller dans un abri de nuit car elles ne se sentent pas en sécurité, surtout les femmes. Il y a des raisons objectives au refus de certaines aides. Pour citer une jeune femme au sujet de son refus de retourner dans un abri de nuit : « La dernière fois, ils ont essayé d’arracher mon pantalon. » La réalité est crue et violente, mais pour la changer il faut la regarder bien en face.
"Celui qui veut peut s’en sortir." Selon l’Institut National de Statistiques et des Études Économiques, un sans-abri sur quatre a été placé, a connu un parcours institutionnel en étant mineur. Cela nous ramène aussi au "choix de vie". (1) L’enfant devenu sans-abri a-t-il choisi une situation familiale ayant impliqué un placement ? Pour les libéraux, comme chacun est responsable de sa situation, nous pouvons penser que oui, l’enfant a choisi la famille dans laquelle il est né… Absurde ? Oui. Pourtant voilà ce qu’est une vision de société qui néglige justement la société et l’impact du fonctionnement de celle-ci sur les situations individuelles. Il est plus juste de dire : "Celui qui a les moyens et ressources de s’en sortir pourra probablement y arriver. Les autres…"
Que faire et à quel coût ?
Ce ne sont pas les pauvres qui coûtent à la collectivité, mais la pauvreté elle-même. Il n’est en effet pas rare de lire ou d’entendre que "les pauvres coûtent trop cher". Dans le cas qui nous occupe, les situations de pauvreté étant nombreuses et différentes, nous nous limiterons aux personnes laissées-sans-abri, avec les conséquences que peut impliquer la vie dans la rue comme le développement de maladies mentales, la consommation d’alcool ou d’autres drogues, l’aggravation de maladies organiques… Toutes ces conséquences ont un coût plus élevé que d’investir directement dans un remède pour soigner le mal à sa racine.
L'Utah, état américain tout sauf socialiste, a lancé en 2005 en programme d’hébergement de masse pour la nombreuse population sans logis. Ils ont pensé ce programme, le Housing First ou Loger d’abord, sur un strict plan économique : donner un lieu de vie stable aux personnes vivant dans la rue, et ce de manière inconditionnelle, leur coûterait moins cher que de devoir prendre en charge les conséquences économiques liées au sans-abrisme. En 10 ans, cet état a connu une baisse de 91% du sans-abrisme. Et ses finances se portent également mieux. (2) C’est un investissement à court terme, partant du fait que c’est la pauvreté qui coûte et non les pauvres.
Depuis lors, des programmes similaires ont été menés en Europe, y compris en Belgique (mais avec nettement moins d’ambition et d’ampleur), avec de bons résultats également. Namur a participé au programme pilote du Fédéral en tant que ville de taille moyenne, mais qui dit programme « pilote » dit durée limitée. Aujourd’hui, ce programme temporairement pérennisé par la Région manque de moyens. (3) Or, comme le revendique le Relais Social Urbain Namurois dans le cadre des élections communales, le PTB veut que la commune (avec les relais qu’elle peut avoir) développe un programme Housing First correspondant à la demande, sans critères de limitation comme celui de n’accueillir que des personnes avec une maladie mentale. Chaque citoyen à la rue a rapidement besoin de retrouver un logement. Les travailleurs sociaux de première ligne ont bien compris ce qui marchait et ce qui ne marchait pas.
Un autre frein à une lutte efficace contre le sans-abrisme et problèmes apparentés est l’errance institutionnelle, du fait de la dispersion des structures d’aide. Et lorsqu’on entend l’échevine namuroise de la Cohésion sociale, Stéphanie Scailquin (cdH), dire que cela « permet de structurer sa journée », les choses ne semblent pas sur le point de changer. Comment croire que passer chaque jour à aller d’un service à l’autre dans la ville, de Bomel à Jambes pour les personnes devant faire des démarches au CPAS en passant par le centre-ville, constitue une « aide » ? On pourrait demander à une personne faisant ce « circuit de la pauvreté » au quotidien en quoi il l’aide… Au fond, c’est surtout une manière d’organiser l’errance et la « rotation » d’un quartier à l’autre des personnes en difficulté.
D’autres villes, comme Nantes, mènent une politique radicalement différente. Avec le projet des « 5 ponts », la ville française se positionne au premier plan des villes socialement et technologiquement innovantes. Au lieu de disperser les services d’aide, de chercher à exclure les sans-abri du centre-ville, elle fait tout l’inverse. Ce projet réunira une multitude de services et fonctions : accueil de jour et de nuit, logements d’urgence, logements sociaux, bureaux pour des associations et entreprises d’économie solidaire, salle de vente « Emmaüs », restaurant social qui aura également une fonction de restaurant de quartier, espace culturel polyvalent, ferme urbaine, formation par le travail... Nous y intégrerions une partie du Housing First en plus. Il faut aussi savoir que ce projet est financé par de multiples acteurs, 5 millions étant apportés par l’Europe au titre du fonds « action urbaine innovante ». À Namur, quand la majorité va chercher des fonds européens, c’est pour du tourisme bling-bling comme l’ex « Port Numérique » renommé « Namur Intelligente et Durable » (NID) qui sera construit au Grognon. Les Namurois ont pourtant d’autres priorités, et l’exemple de Nantes est à suivre.
Par rapport à d’autres manifestations de la pauvreté, comme la mendicité, là aussi elles n’auront plus lieu d’être que lorsque les causes auront été combattues avec la politique adéquate, et non en se contentant de mesures inefficaces comme c’est le cas jusqu’à présent, ou encore de préjugés impliquant de laisser les choses telles qu’elles sont.
Financer la lutte contre la pauvreté coûte moins que la chasse aux pauvres et que les politiques inutiles ou les aides minimales, qui arrivent quand il est déjà trop tard. Utiliser la pauvreté pour diviser les gens est indigne. Laisser des personnes en situation de pauvreté est criminel. Ce ne sont pas les gens obligés de recourir à la mendicité ou autre pour survivre le problème, mais les politiques menées par le gouvernement MR-N-VA-CD&V-OpenVld au fédéral, le gouvernement MR-cdH à la Région, ou par la majorité cdH-MR-Ecolo à Namur.
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(1) RTL info
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(3) prop.guidesocial.be