Dossier du PTB Namur sur la hausse des taxes communales
L’étranglement des finances locales par les gouvernements MR et Engagés
Introduction
Lors du conseil communal d’octobre 2025, la majorité MR-Engagés à la ville de Namur a annoncé l’augmentation et/ou la création de près de 80 taxes, redevances et prestations (avec entrée en vigueur en 2026). Au total, 4 millions d’euros de nouvelles recettes, dont 3,3 millions sur le dos des ménages et des travailleurs. Loin des promesses électorales, la majorité offre des cadeaux fiscaux aux plus riches aux échelons supérieurs, et les fait payer en augmentant les taxes aux échelons inférieurs. C’est la fameuse “Taxe bouchez”, que le PTB dénonce depuis des mois. Les poubelles qui augmentent de 46 euros, les garderies de 60%, les parkings de 100 euros par an pour un ménage moyen, etc. Pendant ce temps, la majorité va aussi couper dans les subsides aux associations de terrain et de jeunesse. Maisons de jeunes, écoles de devoir, maisons de quartier, clubs sportifs: ceux-ci perdent jusqu’à 20% de subsides de la ville. En bref, nous allons payer plus d’impôts communaux pour un service à la collectivité qui sera moins bon. Nos enfants vont être moins aidés pour leurs devoirs, moins encadrés dans leurs entraînements de foot ou de basket, n’auront plus d’argent pour organiser la fête du quartier ou des sorties à la mer.
“Nous n’avons pas le choix, nous n’y sommes pour rien, et ce n’est pas de gaieté de coeur qu’on augmente les taxes” précise la bourgmestre Charlotte Bazelaire (Engagés). Ces larmes de crocodiles cachent pourtant une réalité différente. Le MR et les Engagés à Namur portent une part de responsabilité importante dans les problèmes budgétaires de la commune, et font ici le sale boulot de leurs propres partis au fédéral et à la Région wallonne. Ils opposent aucune résistance aux mesures qui étouffent notre commune, et font un vrai choix politique clair: celui d’une austérité libérale. Pourtant, des alternatives existent.
Mais derrière leur “c’est comme ça et pas autrement”, se cache aussi une grande fragilité. Les mesures de l’Arizona ne verront pas forcément le jour, si le mouvement social national continue sur sa lancée. Le 14 octobre, jour où la majorité communale a voté ses premières hausses de taxe, était aussi le jour de la plus grande manifestation syndicale nationale du 21ème siècle, avec plus de 140 000 personnes dans les rues de Bruxelles. Le bourgmestre-empêché de Namur, Maxime Prévot, a confirmé le lendemain que le gouvernement était en crise et qu’un échec n’était pas exclu. Le premier ministre a évoqué cette semaine la possibilité d’élections anticipées vu les blocages budgétaires. Le budget communal 2026 lui, ne sera voté que le 16 décembre prochain. Avec le PTB, nous avons décidé de ne pas nous laisser faire. Ce n’est pas aux Namurois de payer les cadeaux aux riches et les mesures de l’Arizona. Nous lançons notre pétition contre la hausse des taxes communales, et invitons les citoyens à venir le 16 décembre lors du vote du budget 2026 pour faire entendre la voix des travailleurs.
1. Ils avaient promis, ils ont menti: Les taxes augmentent à Namur
“Nous augmenterons le salaire de 500€ pour ceux qui travaillent” avaient promis les Engagés et le MR en mai 2024. “Nous n'augmenteront pas les taxes communales” avaient-ils promis en septembre 2024. “Nous soutiendrons les associations de jeunesses” avait même promis les Engagés. 1 an et demi plus tard, c’est tout le contraire: les taxes, redevances et prestations communales vont augmenter, et notre pouvoir d’achat va baisser. Les associations de jeunesse seront pénalisées avec 20% de subsides en moins de la part de la ville, et certaines écoles de devoir comme l’ADAS (Aide aux Devoirs et Animations Saint-Servais) implantée à Saint-Servais depuis 40 ans, a déjà fermé partiellement ses portes.
La majorité communale va lever en 2026, plus de 4 millions de nouvelles taxes, prestations et redevances, dont 3,3 millions € sur le dos des Namurois, et un peu plus de 700 000 € sur le dos des plus riches et des grandes entreprises. Voici le détail dans ce dossier. Nous utilisons le vocabulaire officiel de la ville. Les taxes sont les taxes qui touchent tout le monde ou quasi tout le monde (taxe communale sur l’impôt des personnes physiques), les redevances et prestations sont des services fondamentaux qui concernent tout le monde mais qu’on ne paie pas forcément tous ni tout le temps, puisque c’est lié à un service que la ville rend à la collectivité (stationnement, redevance administrative pour les frais d’une carte d’identité, etc.), et les services que la ville propose aux gens (pour les piscines, pour l’entrée d’un musée, pour les garderies des écoles communales, etc.), et qui ne concernent donc pas tout le monde (juste les utilisateurs). Par simplicité, nous ne dirons pas chaque fois “taxes, redevances et prestations communales”, mais “taxes communales” pour englober tout cela.
En moyenne, les 54 000 ménages namurois vont donc payer 3,3 millions d’euros en plus en 2026 de taxes communales, soit 61,2€ par ménage par an, ou 300 € minimum sur la législature. Ces quelque 80 taxes qui augmentent concernent tous les aspects de la vie. Tout le monde ne paiera pas la même chose (une maman solo avec un statut BIM ne paie pas sa taxe poubelle autant qu’un ménage sans enfants avec 2 revenus, mais paie des garderies scolaires, un couple de personnes âgées n’ont pas d’enfants à l’école communale mais utilisent leur voiture plus souvent, etc.). Mais ce qui est certain, c’est que tout le monde paiera davantage.
Les taxes
Il y a 3 grandes taxes qui rapportent de l’argent à la ville. La taxe communale, additionnelle sur l’impôt des personnes physiques, la taxe additionnelle sur le précompte immobilier, et la taxe auto. La taxe communale est déjà, à Namur, à 8,5%, ce qui en fait une des plus hautes de Wallonie (la Région Wallonne indique d’ailleurs que le plafond maximal est de 9%). Idem, l’impôt additionnel au précompte immobilier est un des plus hauts et dépasse luiu, déjà le plafond fixé par la Région wallonne de 2600 centimes additionnels (il est de 2900 centimes à Namur).
La taxe poubelle va légèrement baisser pour les ménages à taux standard (baisse entre 6€ et 10€ par an par ménage), mais ceci sera compensé par une hausse spectaculaire pour les ménages sous statut majoré, c'est-à-dire les plus pauvres parmi les Namurois. Ceux-ci payeront entre 47€ et 79€ en plus par an. Ceux-ci paieront également dorénavant la partie “raccordement aux égouts” de la taxe poubelle, qui ajoute donc 25€ par an de dépenses. Mais malgré cela, même un ménage classique sans statut majoré paiera au moins 10€ en plus chaque année d’après les propres calculs de la Ville, et probablement plus. Pourquoi plus? Les sacs poubelles n’augmentent pas, mais leur taille diminue de 1/3 (de 60L à 40L pour les grands, dont le prix restera à 1€ le sac, et de 30L à 20L les petits qui restent à 0,5€ le sac). Nous en consommerons donc davantage. Probablement qu’une famille qui sortait 1 sac de 60L par semaine, ce qui lui coutait sur l’année 52€ en moyenne, en sortira maintenant un de 40L, et un petit complémentaire de 20L puisque ceux-ci coûtent moins cher. Cette famille payera donc un supplément de 26€ par an pour les sacs (que ne compense qu’en partie donc la réduction de 9€ de la taxe poubelle). Tout cela cumulé, une famille de 4 personnes qui vit sous le seuil de pauvreté et avait la gratuité sur la taxe déchets, payera 120 € en plus par an (25€ la taxe égouts et 69 € la taxe déchets, qui étaient gratuites avant, et 26€ en moyenne en plus pour les sacs). La majorité, loin d’être sociale et “au rendez-vous de la solidarité”, enfonce encore davantage les plus pauvres d’entre nous dans la précarité et les difficultés.
Les Redevances et prestations
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Nom de la Prestations/ redevance |
Montant en 2025 (en €) |
Montant en 2026 (en €) |
Différence (en €) |
Différence (en % de hausse de taxe) |
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Stationnement zone orange qui devient rouge |
0,5/h donc 1€/2h |
3€/2h et fin de la 1ère ½ heure gratuite |
1€/H de stationnement si on stationne 2h |
200% |
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Stages |
35€ |
57€ |
22€ |
64€ |
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Location salle commune |
390€ |
490€ |
100€ |
64% |
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Piscines |
3 € adulte, 2,5 € sénior, 2 €/enfants, 1 €/ étudiant |
3,75 € (adulte), 3,1 €0 (senior), 2,5€ (enfant), 1,25€ (étudiant) |
0,75€/séance 0,6€/ séance, 0,5€/ Séance 0,25€/séance |
25,25% (pour le tarif adulte) |
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Garderies |
2 cents/minute |
3,3 cents /minute |
1,3 cent/minute |
60% |
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Musées |
1€, (2,5€ tarif réduit) |
5€, (3€ tarif réduit) |
4€/visite |
300% le tarif standard 20% le tarif réduit |
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Parc Reine Fabiola |
3€ |
4€ |
1€/visite |
33% |
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Sacs poubelles |
Sacs de 60L |
Sacs de 40L |
26€ |
33% |
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Documents d’identité |
20€ |
30€ |
10€ |
50% |
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Permis d’urbanisme |
75€ |
90€ |
15€ |
20% |
Concernant le stationnement, la majorité a voté la suppression de la zone orange (une des zones les moins chères, celle notamment des nombreuses places en bord de Sambre, côté Corbeille, où se situe le marché hebdomadaire depuis 2023), et la suppression de la première demi-heure gratuite en zone rouge (si on reste plus qu’une demi-heure). Un couple qui habite dans un de nos villages mal desservi en transports en commun, et qui vient simplement une fois par semaine à Namur en zone orange (qui devient zone rouge), payera 100€ en plus par an avec ces 2 mesures. Pour des partis, MR et Engagés, qui disent vouloir redynamiser le centre, ce n’est pas certain qu’augmenter la facture des clients pour le parking va attirer du monde. Au contraire.
Pour les piscines, les prix passent de 3€ à 3,75€ l’entrée. Et les pass de 10 séances augmentent aussi. Une famille qui vient 1 fois semaine à 4, payait en gros 40 séances par an. Le tarif “familles” permettait à cette famille de faire 42 séances pour 80€, mais il est supprimé. Il faut donc passer au pass individuel par membre de la famille (ceux-ci passent de 25€ à 33,75€ pour les pass adultes, et les enfants sont à 22€). Dorénavant cela va donccoûter 446€ par an au lieu de 80€. Une augmentation de 366€ par an pour une famille de 4, soit + 457,5% !
L’entrée du Parc Reine Fabiola passera de 3€ à 4€ par personne, et les tarifs des activités à l’intérieur augmentent aussi de 1€. Une famille de 4 qui allait 2 fois par an au Parc payera minimum 8€ en plus par an, sans compter les activités sur le site, plus chères. L’entrée des musées passe de 1€ à 5€ pour les Namurois.
Concernant les garderies, celles-ci augmentent de 66% les tarifs, passant d’un tarif à la minute (2 centimes) à une tarif par ¼ d’heure entamé de 0,5€ (ce qui fait passer la moyenne de 2 centimes la minute à 3,3 centimes la minute). Sauf que dorénavant même si un enfant reste 16 minute, chaque ¼ d’heure entamé est payé, ce qui va aussi faire grimper les prix. Prenons l’exemple d’une maman solo qui n’a pas le choix que de laisser 4 jours par semaine (pendant 1 heure et 5 minutes, soit 5 ¼ d’heures) ses enfants à la garderie. Elle va payer 140 euros en plus en 2026 qu’en 2025.
Autre mesure contre le pouvoir d’achat des parents, l’idée de la majorité communale de supprimer les plaines de vacances les moins chères (à 35€ la semaine), celles justement pour les parents en difficulté. Ceci reste une idée, puisque si les tarifs “35€ pour les plaines” ont disparu du règlement-redevance concerné, l’échevin Capelle n’a pas définitivement fermé la porte (tout en enfonçant bien le clou, pour préparer l’annonce probablement, sur le fait que “les plaines sont tro chères, c’est intenable financièrement”, etc.). Un stage dans le secteur privé coûte en moyenne 100€ par enfant. Laisser ses 2 enfants pendant 2 semaines de vacances en été était encore possible pour cette maman solo à l’époque des plaines, avec un coût total de 140€ (35e X 2 enfants X 2 semaines). Mais supprimer les plaines et payer 57€ pour un stage classique de la ville (si ceux-ci restent en place, ce qui n’est pas garanti), ferait monter sa facture de stages d’été de 140€ à 228€ (+88€). Et si les stages à 57e étaient eux-aussi supprimés, et qu’elle devait aller dans le privé (à 100€ le stage), la facture grimpe même à 400 € (100€ X 2 enfants X 2 semaines). Cette hausse de 260€ devient tout simplement impayable.
On voit donc que si les ménages paieront en moyenne 61€ en plus de taxes d’après les calculs de la majorité MR/Engagés, c’est très probablement beaucoup plus, suivant qu’une famille allait ou pas à la piscine, fréquentait les stages et activités sportives communales, avaient des enfants à l’école communale, venait ou pas en voiture en ville, etc.
2. La crise budgétaire: les pyromanes se déguisent en pompiers
“On ne prend pas toutes ces mesures de gaieté de coeur, c’est parce que les finances communales sont mauvaises” nous dit-on du côté MR/Engagés pour justifier ces hausses de taxe. Et effectivement, les finances sont mauvaises. Depuis l’année 2021, la ville n’est en “bénéfices” dans ses comptes annuels que de manière fictive, avec l’aide de “cadeaux” financiers de la Région et de l'État fédéral. Sinon, la ville serait en déficit d’abord “seulement” de quelques millions d’€ chaque année en 2021 et 2022, puis en déficit de 10 millions € en 2023, 16 millions € en 2024 (d’après les comptes validés au conseil du 14 octobre dernier), et 16 millions € prévus en 2025. Les projections du département de gestion financière disent que, malgré les mesures anti-sociales qui vont augmenter les taxes et casser les associations sportives, associations de jeunesses et les maisons de quartiers, le déficit annuel serait de … 34 millions par an à l’horizon 2030. Jusqu’en 2029 inclus, le déficit (de 30 millions) pourra être épongé en prenant l’argent des comptes en banque de la ville (qui ont encore 88 millions en banque de réserve d’après la présentation du compte 2024 par le DGF en commission, confirmés oralement par l’échevine des finances au conseil du 14 octobre). Mais en 2030, il n’y aura plus 1€ en banque, et à la fin de l’année, la ville sera en faillite. On peut donc bien parler de crise budgétaire des finances communales. La double question est: comment on en est arrivé là, et qu’est-ce qu’on fait maintenant?
Toutes les grandes villes sont en situation budgétaire critique, voire en situation de crise comme Namur. Ce problème des finances communales et de développement économique des villes a une origine déjà lointaine, sur laquelle nous reviendrons. Depuis le début des années 2010, dans la période qui suit la crise économique de 2008, on voit chaque grande ville, suivant ses majorités politiques, réfléchir et agir pour résoudre ce problème financier. Une vision partagée par la plupart (sinon par toutes) les grandes villes de l’époque, est une vision néo-libérale: le développement de la ville passe par attirer des habitants plus riches (qui vont donc payer plus d’impôts communaux), attirer les touristes (qui vont dépenser et faire vivre les commerces du centre-ville), et par attirer les investisseurs (qui investiront, créeront des entreprises,etc.). Une soupe vendue depuis maintenant 50 ans aux gens un peu partout: faire des cadeaux aux riches (qu’ils soient riches habitants ou riches investisseurs) pour qu’ils soient encore plus riches et que ces richesses ruissellent sur le reste de la société (ils paient des impôts ici, créent des emplois ici, etc.).
Cette philosophie était, et est encore, celle de la majorité MR/Engagés à Namur. Le coeur de la politique de relance économique du “nouveau” bourgmestre Maxime Prévot (qui arrive en 2012 à la tête de la ville) peut se résumer à ça: lancer de très nombreux grands chantiers, souvent bling-bling, pour permettre de dynamiser Namur. “La Belle endormie doit se réveiller” disait-il (“La Meuse Namur”, 6/3/12, “Maxime Prévot veut réveiller Namur”).
Certains grands projets ont effectivement servi à relancer la ville, principalement sa dynamique culturelle (Delta, Grand Manège, Les Abattoirs, etc.), mais beaucoup d’entre eux ont été un gigantesque gaspillage d’argent public (régional, européen, mais aussi communal). Le téléphérique, inauguré avec 3 ans de retard en 2020, a déjà coûté 4,3 millions rien que pour son entretien entre 2020 et 2025, et coûtera à l’horizon 2049 (date de fin du contrat d’entretien à charge de la ville) 38 millions d’euros[1]. Afin d’avoir une “entrée de ville” plus accueillante pour les touristes, la majorité a voté de raser le Parc Léopold (au mépris d’un vote populaire qui le leur interdisait) pour y installer un gigantesque centre commercial au nez et à la barbe des petits commerces du centre-ville qui subiront cette concurrence déloyale. Pour compenser cette perte écologique, ils ont décidé de créer (sur un ancien bunker qu’il faut désamianté au prix de travaux très coûteux) un parc sur le site des Dames Blanches derrière l’hôtel de ville, pour la somme de 8,5 millions d’euros minimum (payés surtout par la Région wallonne mais aussi en partie par la ville). Toujours pour être une ville plus blinquante et “attrape-touriste”, la place de la station a été rénovée pour 4,5 millions d’euros, sans vraiment avoir changé ni dans sa forme, ni son fonctionnement. Enfin, le piétonnier, qui va certes offrir un centre plus apaisé, avec moins de voitures et plus d’arbres (nous dit-on), va coûter au grand minimum 14 millions d’euros, dont 2 millions à charge de la ville[2].
Ces divers projets bling-bling coûteront près de 45 millions d’euros au total. Pour les financer, la ville a dû, depuis quelques années, emprunter énormément d’argent aux banques. Cela a très fortement détérioré les finances communales. En 2017, la ville remboursait 17,4 millions d’€ en intérêts bancaires. Ce montant a augmenté de 88% en 8 ans, pour atteindre 32, 7 millions d’€ en 2025. Il a été confirmé par le département de gestion financière de la ville en commission budgétaire le 18 juin 2025 qu’en effet, cette explosion des dépenses annuelles de remboursement de dettes était principalement liée aux divers grands travaux. “Ce sont des investissements, on en verra la couleur plus tard” nous disent les défenseurs de ce type de grands travaux. Mais à la différence de véritables investissements dans des besoins sociaux qui se financent eux-mêmes (comme investir dans des logements publics pour lesquels les locataires paient des loyers qui remboursent les investissements au fil du temps), investir dans la rénovation de places publiques et de bâtiments (la Cité des Métiers, etc.) ne rapporte pas d’argent en soi à la ville. On suppose que cela attirera des touristes, des investisseurs, etc.. Un pari risqué, sur lequel la ville n’a aucun contrôle, et qui, en période de crise économique, est tout sauf garanti d’être un pari gagnant.
On voit donc que les apprentis pompiers Engagés et MR qui disent éteindre l’incendie de la crise budgétaire de la ville de Namur à coup de hausses de taxes et de baisse des subsides aux asbl de terrain, sont en fait eux-même les pyromanes. Rappelons que depuis 2021 (1ère année où la ville est clairement en déficit), le déficit moyen est de 9,6 millions d’€ par an, mais que les dépenses de dette ont augmenté de … 9,5 millions par an sur la même période, principalement à cause de leur politique de grands travaux.
Mais ceci n’est pas le plus important. Au-delà d’une gestion libérale qui gaspille l’argent public, On parle de montants encore bien plus conséquents quand on parlera du vrai problème qui étrangle les finances communales: les “4P” (voir l’analyse du PTB sur ce problème).
Ce qu’on appelle les « 4P », sont les dépenses publiques pour les zones de police, les zones de secours (pompiers), les CPAS (lutte contre la pauvreté) et les pensions des agents communaux. Les communes sont censées financer une partie de ces services publics, et l’essentiel du reste par le fédéral (sauf les zones de secours qui sont aussi financées par les provinces).
La réforme des polices de 2001 (qui crée la police fédérale d’une part et les zones de police locales d’autre part) disait clairement que les zones locales auraient plus de soutien financier (à savoir 51 % de financement devait venir du fédéral, le reste venant des communes) et moins de tâches. Or, la police locale a plus de tâches qu’avant, et… moins de soutien du fédéral. En 2024, la zone de police de Namur aurait dû recevoir 3,13 millions du fédéral si cette règle était appliquée.
La réforme incendie de la loi du 15 mai 2007 (mise en œuvre en 2015) prévoit un ratio de 50-50 en termes de financement des zones entre l’institution fédérale d’une part et les pouvoirs locaux (province + communes) d’autre part. Mais cela devait être coulé dans la loi par un arrêté royal. Le gouvernement de l’époque a coupé la réforme en deux : un vote sur le côté effectif de la réforme, et un vote à décider ultérieurement pour l’arrêté-royal qui le finance. Le gouvernement a changé, et plus aucun par la suite n’a voulu le rédiger. Aujourd’hui, la commune de Namur paye encore 800 000 euros en “trop” sa zone de secours.
Alors que la politique sociale est une compétence fédérale, que le revenu d’intégration, comme le chômage, sont des allocations de remplacement censées venir de l’État fédéral, ce dernier a transféré la responsabilité aux communes de fournir une partie des revenus d’insertion (RIS), et de faire des économies au passage. Le RIS au CPAS de Namur n’est financé qu’à 70 % par un subside du fédéral. Or, les politiques sociales et d’austérité impactent depuis des années la population belge, en augmentant toujours plus le nombre de personnes en situation de pauvreté, ou de risque de pauvreté. Le nombre de bénéficiaires du RIS a doublé dans les grandes villes de Wallonie entre 2015 et 2024, principalement à cause de la dernière chasse aux chômeurs du gouvernement Di Rupo. Pour Namur, c’est 28,3 millions d’euros de RIS supplémentaires chaque année à payer depuis 2013. Dont 30% sur fonds communaux. Le manque à gagner est donc de 8,5 millions d’euros par an. Si on additionne tous ces trous budgétaires causés par les “4P”, la Ville de Namur a payé à la place de l'État fédéral quelque 12 millions d’euros supplémentaires en 2024 en termes de politique sociale, de police et de zones de secours[3]. Rappelons que le déficit de 2024 était de 16 millions d’€.
En plus de ce problème, plusieurs mesures des gouvernements MR/Engagés Azur (Région wallonne) et Arizona (état fédéral) vont soit réduire les dotations des communes, soit augmenter leurs dépenses. Ce qui va contribuer à encore plus les asphyxier.
Le gouvernement wallon a un budget spécifique, le fonds des communes, de 1,6 milliards d’euros de dotations pour les 252 communes wallonnes, pour les soutenir dans leurs missions. La dotation de Namur est de 50 millions d’€ en 2025. C’est une part très importante du financement communal, qui couvre presque 1/5ème des dépenses de la ville. Ce fonds est indexé chaque année, sur base de l’indice des prix à la consommation (c’est normal, puisque les salaires des agents communaux sont indexés, les budgets de la ville doivent aussi évoluer pour couvrir ce droit légitime, ainsi que pour couvrir l’évolution des dépenses classiques) + 1% de croissance annuelle supplémentaire pour couvrir aussi les coûts qui augmentent aussi mais qui ne sont pas repris dans l’indice des prix (par exemple le carburant ou le gaz ne sont pas dans l’indice des prix, et donc pas dans l’indexation, ce que ce 1% supplémentaire compense en partie). Ce 1% sera supprimé en 2026 par le gouvernement Azur. Très concrètement, Namur perdra au minimum ½ millions d’euros en 2026, et progressivement cette perte augmentera chaque année.
Vu que les problèmes budgétaires des communes ne datent pas d’hier, cela fait longtemps que la Région wallonne doit donner des subsides aux villes pour qu’elles engagent du personnel communal. C’est le mécanisme d’Aides aux emplois locaux, dit système APE. Ce subside ne sera pas non plus indexé comme il l’était avant. Conséquence pour une ville comme Namur qui engage des centaines d’emplois en statut APE? La ville perd d’abord 450 000 euros en 2025 d’après la directrice générale de la Ville, et progressivement plus année après année. Si l’inflation (et donc l’indexation) prévue par la Banque nationale de Belgique se confirme (de 2% par an, hypothèse d’ailleurs reprise par l’administration communale elle-même), à l’horizon 2030 c’est plus de 1 millions/an que la commune perdra.
Dernière grande mesure qui coûtera aux communes: la chasse aux chômeurs votée par le gouvernement Arizona en 2025. Dès le 1er janvier 2026, des milliers de chômeurs de longue durée vont frapper à la porte du CPAS car ils n’auront plus 1€. D’après les propres chiffres de la ville, plus de 1000 personnes vont devoir recevoir un revenu d’intégration sociale (le RIS) chaque année à partir de 2026. Sachant que celui-ci est de 875 € pour une personne cohabitante, 1300 € pour un isolé et 1775 € pour un isolé avec une famille à charge, en moyenne, prenant 1100€ comme médiane, cela représente une dépense supplémentaire de 13 millions d’€ par an à verser par le CPAS de Namur (1100 € X 1000 personnes X 12 mois). L’état fédéral a promis de payer d’abord 100% de ce montant en 2026, mais ensuite seulement puis 90% en 2027, 80% en 2028, et enfin 75% en 2029 (avec retour à la normale en 2030). Ce qui laisse quand même un trou de minimum 1,3 millions en 2027, 2,6 millions en 2028, 3,25 millions en 2029 et 3,9 millions en 2030. Et donc un trou cumulé de plus de 10 millions € sur la législature pour le CPAS de Namur. Cet exemple, par facilité, part du principe que les RIS ne sont pas indexés sur la période évoquée 2026 - 2030 (ce qu’ils seront très probablement, au moins en partie).
Si on additionne la baisse des subsides wallons du fonds des communes (½ millions de perte annuelle en 2030), des emplois APE (1 millions d’€ de perte à l’horizon 2030), et les dépenses supplémentaires pour financer les RIS (3,9 millions à l’horizon 2030), le trou budgétaire sera aggravé à l’horizon 2030 de presque 5,5 millions d’euros, soit largement plus que les 3,3 millions € de nouvelles rentrées fiscales prévues par la hausse des quelque 80 taxes qui vont durement toucher au portefeuille des travailleurs et des ménages namurois. Ca portera le déficit budgétaire annuel de 16 millions cette année, à 34 millions en 2030 à la fin de leur législature.
Que disent les élus locaux Namurois MR et Engagés face à ce braquage organisé de la part de leurs propres partis aux échelons supérieurs? Bizarrement, presque rien. De temps à autre, dans un débat budgétaire, un petit “c’est trop injuste” pour botter en touche quand on pose des questions. Aucune action concrète, aucun bras de fer entamé, aucune dénonciation publique. Pas même le moindre communiqué de presse officiel de la Ville ces 10 dernières années pour dénoncer l’asphyxie orchestrée de nos finances communales. Rien. Le MR et les Engagés Namurois acceptent docilement, et ainsi font le service après-vente des mesures anti-sociales de leurs propres partis, en augmentant les taxes communales pour combler les trous budgétaires causés par d’autres niveaux de pouvoir.
En faisant ce tableau général, on voit bien que la “Taxe Bouchez” n'apportera aucune solution à cette crise budgétaire. C’est comme les médecins du Moyen Âge qui soignaient une jambe cassée en mettant des sangsues sur les plaies pour “éloigner le Diable”, et donc la maladie... Ça fait très mal, et ça ne sert à rien. La solution au problème budgétaire ne viendra pas d’en bas, mais d’en haut.
1. Vu que le contrat stipule clairement que le montant versé par la ville à la multinationale propriétaire du téléphérique est indexé (au dessus de l’inflation), et partant du principe que l’inflation moyenne constatée entre 2020 et 2025 sera la même entre 2025 et 2049, le montant est de 38,3 millions d’€. ↩
2. Pour le calcul des coûts du piétonnier, nous avons repris tous les coûts directs connus, à charge de la ville (soit comme charges supplémentaires, soit comme manque à gagner). Si on les décortique, cela représente un budget de 500 000 euros d’aides en 2024 aux commerces victimes de pertes de clients à cause des travaux du piétonnier. Ce montant est de 880 000 euros en 2025, et 0 € en 2026. Aux 500 000 de 2024 on ajoute la campagne de communication de 200 000 sur le piétonnier budgété pour 2024 (ce qui monte à 700 000 €). Pour 2025, les subsides aux commerces sont évalués à 880 000 euros, auxquels il faut ajouter le manque à gagner de 350 000€ des tarifs des places de parkings qu’ils ont supprimé dans le piétonnier (ce qui monte le total à 1,23 millions directs). Et enfin 450 000 de pertes en 2026 de manque à gagner des parkings (dont le nombre de places supprimées progresse à mesure que les travaux suppriment des places). Ce total de 2,15 millions est temporaire, et probablement très en dessous du coût réel puisqu’ici nous n’avons pas 1€ enregistré pour les dépenses des travaux en tant que tels. ↩
3. Le calcul pour les pensions étant trop compliqué à prendre en compte et surtout à expliquer, nous ne le reprenons pas ici. Il représente aussi des millions d’euros de pertes chaque année. ↩
3. Il y a des alternatives
Pour combler le trou budgétaire de 34 millions en 2034 en faisant payer uniquement les travailleurs et les ménages, il faudrait appliquer des mesures 10 fois plus dures que les hausses de taxes votées en octobre 2025, c’est à dire à la fois doubler la taxe poubelle, doubler les prix des parkings, licencier 250 personnes ET tripler les tarifs des piscines. C’est indécent, et ça sera impossible à supporter pour la population. La seule alternative est à la fois de refinancer sérieusement le fonds des communes au lieu de le vider, à partir d’un refinancement de l’état fédéral. Celui-ci doit également augmenter ses financements des zones de police, de l’aide sociale et des zones de secours, puisque c’est ses compétences. Cela soulagera déjà fortement les communes d’un poids. La seconde mesure est de stopper les réformes anti-sociales de la Région wallonne et de l’Arizona concernant les emplois APE et la chasse aux chômeurs, qui non seulement créeront du chômage (en supprimant des emplois APE), et pousseront des centaines de Namurois dans la pauvreté (avec la chasse aux chômeurs). En clair, la solution ne peut pas venir d’en bas, elle doit venir d’en haut.
Par ailleurs, si vraiment nos politiciens locaux veulent préserver les finances publiques, il y a aussi quelque chose à faire de leur côté. D’abord, si vraiment nous sommes tous dans le même bateau, pourquoi seuls les travailleurs et les ménages paient, et pas eux? Alors qu’une maman solo doit augmenter ses frais de garderies scolaires de 140 euros par an, les jetons de présence sont maintenus à 120 euros la séance (parfois pour des réunions de 15 minutes). Bizarrement, les salaires des échevins payés 6000 euros par mois, restent eux aussi inchangés. Diviser par 2 le montant des jetons de présence des conseillers communaux, et réduire de 30% le salaire des échevins (qui vivraient encore avec 4000 €/mois, soit le double du salaire minimum brut), permettraient d’économiser 600 000€ par an. C’est exactement le surcoût que rapporte la hausse des frais scolaires (garderies, repas scolaires, etc.). Permettre aux enfants des travailleurs d’avoir encore les moyens de se payer des repas chauds, ou garder ses privilèges: un choix peut, et doit être fait.
D’ailleurs, si on augmentait la taxe sur les logements inoccupés et que les règles d’exonération qui permettaient actuellement aux grands promoteurs immobiliers de continuer à spéculer sur leurs centaines de logements vides, on pourrait aller chercher 500 000 euros (aujourd’hui cette taxe rapporte 350 000 euros, mais de nombreuses portes de sorties utilisées par les promoteurs leur permettent de ne pas devoir payer la taxe). Instaurer enfin une taxe sur les grandes surfaces de bureau rapporterait probablement 1,5 à 2 millions d’euros. Une commune comme Saint-Gilles, beaucoup plus petites que Namur, avec un budget communal deux fois inférieur, gagne 1,5 millions en 2025 grâce à sa taxe sur les surfaces de bureau. Vu que la commune de Namur possède elle aussi la particularité d’être peu industrielle, mais d’avoir de nombreuses entreprises de services, avec des bureaux sur le territoire comme Saint-Gilles, il est probable que les rentrées fiscales soient similaires, voire supérieures à 2 millions €. Ensuite, instaurer une taxe spécifique sur les grandes surfaces (qui sont très nombreuses et continuent de construire à tour de bras à Namur) permettrait de trouver aussi de l’argent. La commune de Verviers, 5 fois plus petite et deux fois moins peuplée, gagne 250 000 euros par an grâce à cette taxe qui ne cible que les géants de l’agro-alimentaire, principalement des multinationales françaises ou allemandes. Nous estimons donc qu’une telle taxe permettrait de rapporter 500 000 €.
L’addition de ces mesures permettrait d’aller chercher 3,6 millions d’euros chaque année dans les poches de ceux qui ont l’argent. Cela ne résout fondamentalement rien, mais permet déjà d’éviter de prendre 3,4 millions dans la poche des gens. Et de montrer qu’il y a belle et bien une alternative. C’est une question de choix politiques.
4. Ils sont plus fragiles qu’ils le disent, on est plus forts qu’on le pense
“On sait que le PTB est pro taxes, mais à ce compte là on fait fuir les investisseurs”. Pendant des années, c’était la réponse cousue de fil blanc de la majorité MR/Engagés lorsque le PTB venait avec une alternative fiscale pour taxer les grandes entreprises, et pas les travailleurs. Il y a encore quelques mois, lors du débat sur la politique sociale à Namur, le PTB était revenu pour demander de taxer les logements vides pour lutter contre la spéculation immobilière, et la réponse de l’échevine a été claire: ce sera non, car ce n’est pas notre philosophie. Et pourtant…
Le 14 octobre, à l’annonce des hausses de taxe, au total c’est plus de 4 millions d’euros de nouvelles taxes qui sont levées, dont 3,3 millions sur le dos des travailleurs. Et le reste? Plus de 700 000 euros des poches des… grandes entreprises. Avec notamment, l’instauration, enfin, d’une taxe sur les surfaces commerciales. Elle rapporterait 600 000 euros à elle seule. On a vu aussi la hausse des taxes sur les publicités gratuites des grands magasins qui inondent nos boîtes aux lettres, la hausse des taxes sur les enseignes lumineuses, ou encore la hausse de 25% de la taxe sur les logements vides, pourtant “impossible” à augmenter 6 mois plus tôt. Enfin, une nouvelle taxe pourrait voir le jour… Celle sur les surfaces de bureau. Pourrait, car elle devait être votée le 14 mais le point a mystérieusement disparu de l’ordre du jour. Il devait être ajouté au conseil du 18 novembre… Mais là aussi, il a disparu. Vu le nombre de grandes entreprises de bureau sur Namur, probablement que cela sera encore un bras de fer à mener pour pouvoir l’imposer. Mais la promesse a été faite en public: “oui nous rassurons le PTB, cette taxe aura bien lieu”. On se battra pour qu’elle voit le jour le plus tôt possible. 2 millions d’euros, ce n’est pas anecdotique.
Ce qui était impossible hier devient possible aujourd’hui: prendre de l’argent chez les riches. Ça montre que la majorité est fragile. Ils sont fragiles car ils savent que faire payer la maman solo, les jeunes qui veulent faire du sport, les enfants des quartiers populaires, n’était dans aucun de leurs programmes. Ils savent qu’ils ont menti, et ça les rend hésitants. Ce qui les rend fragile, c’est que les gens sont en colère, se sentent floués, et ils ont raison.
Avec le PTB, nous lançons donc une pétition pour exiger la suppression de cette hausse de taxe. Concrètement, nous avons trois demandes. D’abord, supprimer la hausse de 3,4 millions d’euros de taxes communales sur notre dos. Ensuite, compenser intégralement ce manque à gagner par des taxes justes, sur les plus riches et sur le personnel politique local. Enfin, nous demandons un réel débat pour refinancer “par le haut” nos communes, pour éviter la saignée “en bas”. Signez la pétition, partagez-la autour de vous, faites connaître ce hold-up. Ça doit se savoir. Et rejoignez-nous. Le 16 décembre, le conseil communal votera le budget de l’année 2026. Celui où toutes ces taxes seront peut-être votées. Celui où on doit faire entendre notre voix pour les empêcher.